mardi 5 octobre 2010

[Jiko] Stigmates

Voici une élucubration périphérique envoyée par Jiko depuis fort fort longtemps (2007!!!)
J'ai décidé de donner un avis sur les planches que je posterais ici, histoire de donner plus de corps à ce blog:


Mon avis:

Encore une BD humoristique pour faire passer le manque de profondeur, certes. C'est d'ailleurs pour cette principale raison que je n'ai pas sélectionné cette proposition pour le collectif papier. Maintenant, la proposition que nous fait Jiko ici reste intéressante sur plusieurs points.
Déjà, contrairement à beaucoup de réalisations qui se disent minimalistes, il a choisit une représentation figurative on ne peux plus réaliste. Pourtant sa bande dessinée reste minimaliste: itération iconique, mise en page réduite à son plus simple appareil, mise en scène se limitant aux gros plans (à quelques rares exceptions près, la case où Dieu vole vers Jésus par exemple)... Les outils utilisés sont suffisamment minimaux pour permettre de compenser la présence d'images dont la représentation n'est pas minimaliste. Précisons que si l'on peut dire que l'icône n'est pas minimale par sa représentation, elle le reste par son élaboration: un simple recadrage d'une image pré-existante. Rien de plus !
L'idée de Jiko est en celà intéressante qu'elle permet de raconter autre chose que ce que racontent ces peintures à l'origine, mais surtout elle ne se limite pas au séquençage d'une image fixe: Il parvient, par moment, en jonglant avec les images et leurs similitudes (la peinture de la renaissance, les détails tels que le doigt tendu...), à donner du mouvement à des images figées. Et finalement, la bande dessinée c'est aussi ça: le déplacement, le mouvement des personnages, de la "caméra". Si la bande dessinée minimaliste cherche à faire émerger la nature même de la bande dessinée, elle ne doit pas en oublier cette spécificité. Là où le cinéma crée l'illusion du mouvement à partir d'images fixes, la bande dessinée créé le mouvement par l'imagination du lecteur, par la lecture. Et elle est la seule à proposer un mouvement effectif qui soit invisible, totalement déductif, voire imaginaire...

vendredi 10 septembre 2010

Interview Clémence Gandillot


Sortit il y a déjà 2 ans, De l'origine des mathématiques parvenait avec fraicheur et intelligence à allier philosophie, mathématiques et bande dessinée. Comme une évidence, ces trois "matériaux" se croisent, se mèlent, se complètent, et donnent au final une véritable profondeur et un aspect inédit à cette bande dessinée plutôt insolite. Trouvant peut-être là -déjà- l'oeuvre de sa vie, Clémence Gandillot poursuit aujourd'hui l'exploration de notre monde vu par le prisme des math dans diverses créations, animées ou théatrales. Si l'aspect géométrique du dessin est cohérent avec l'idée de mathématique, son trait minimaliste était déjà prépondérant dans ses oeuvres antérieures. On peut donc légitimement s'interroger sur le cheminement de pensée qui l'a menée à avoir une telle approche du dessin, et finalement de la bande dessinée.

  • SydN : Tout d’abord, bonjour Clémence ! Tu pourrais commencer par te présenter, expliquer ton parcours et nous parler de ton actualité ?


Clémence Gandillot : Bonjour, je me présente : je suis une fille, je m’appelle donc Clémence et j’ai 31 ans. Je suis diplômée des arts décoratifs de Paris en section scénographie. Aujourd’hui, j’écris, je dessine, je réalise, je mets en scène, je joue, cela dépend des projets.

Mon actualité c’est De l’origine des mathématiques paru aux éditions MeMo, Le t de n-1, un spectacle que l’on tourne avec la compagnie les ateliers du spectacle n+1, un petit film d’animation sur le tréma du mot citroën diffusé lors d’un Karambolage sur Arte. Par ailleurs je réponds à des commandes de films d’animation et d’illustration.

  • Je connais malheureusement très peu ton travail, puisque je n’ai lu que De l’origine des mathématiques. Parles-nous un peu de tes autres travaux, de ton domaine de prédilection (dessin ? écriture ? théatre ? …)

J’oscille entre l’écriture, le dessin, l’animation, le théâtre… Les projets se croisent, cohabitent et se nourrissent les uns des autres. Un projet centralise tout ça, il s’appelle les pieds dans la tête, un raccourcis de la phrase « si tout à coup, on pouvait mettre les pieds dans l’espace qu’on a dans la tête, à quoi cela pourrait ressembler ? ». Nous montons ce projet avec la compagnie Les ateliers du spectacle n+1. Il y a un spectacle, le « noyau », autour duquel gravitent des satellites allant de la conférence spectaculaire à l’installation en passant par le livre illustré, le site web et une série de films d’animation. Seuls le livre et la conférence spectaculaire sont crées : Le t de n-1 pour la conférence et De l’origine des mathématiques pour le bouquin. Le reste est en création, nous en avons pour quelques années encore.

Mon domaine de prédilection : chercher des choses à raconter et trouver comment les dire.


  • Est-ce que pour toi, De l’origine des mathématiques est une bande dessinée (pour moi ça ne fait aucun doute) ?

Je ne sais pas. Cette forme est née d’une contrainte en nombre de pages. Le manuscrit faisait le double ou le triple de volume, ce qui n’était pas possible pour la maison d’édition. Les cases sont tombées du ciel, en en discutant avec une amie graphiste, Hélène Ezvan. Il y avait tous ces dessins qui rentraient dans le texte mais dans un rapport de lecture gauche-droite, ce qui prenait beaucoup de place. Avec les cases j’ai décomposé un peu plus les séquences ce qui a plutôt servi le texte.

Le livre me ferait presque penser aujourd’hui à un story-board de film d’animation, ce qui revient à dire peut-être à de la BD ? De la BD sans bulles, c’est possible ?


- Bien sûr ! Avant d’être une articulation texte-image, la bande dessinée est un art de la narration visuelle! Pour ce qui est de la disposition du texte sous l’image, ça a aussi pas mal été fait… Finalement tu as fait de la bande dessinée sans le savoir vraiment, et je trouve que cette ingénuité se perçoit dans le livre. C’est d’ailleurs une de ses forces je trouve, car du coup tu ne t’es pas enfermée dans une idée toute faite de la Bande Dessinée. Qu’en penses-tu ?

Difficile à dire. Surtout si, comme tu le dis, je n’ai pas conscience de cette chose dont tu parles et bien, justement, de fait, elle ne me parle pas vraiment…

Je pense que je vais jeter un œil du côté de Jochen Gerner et Guillaume Long.


  • Pour toi, c’est plus une œuvre conceptuelle, philosophique, ou un simple jeu ?

Ce que je peux dire c’est qu’à l’époque où je me suis lancée dans l’écriture, je ne rigolais pas du tout, j’avais l’impression d’avoir une mission à accomplir : opérer à la mise à jour du mystère des mathématiques ! J’y croyais et sérieusement. Aujourd’hui je trouve cela comique. Vive le temps quand il passe…

  • Pour appuyer l’idée de Mathématique, tu as dessiné des formes simples, géométriques. Avais-tu conscience alors que de ce fait, tu entrais dans le domaine du minimalisme, et qu’il te fallait ensuite en respecter les contraintes narratives pour ne pas être incohérente avec le système graphique mis en place ?

En fait les bonhommes ont pris la forme qu’ils avaient dans mes cahiers et je n’ai pas eu envie de leur mettre trop d’habits ni d’anecdotes. Surtout que j’avais bien l’ambition de parler de « l’homme en général ». N’importe qui et tout le monde à la fois.

Le graphisme faisait également référence au monde des idées. Une certaine abstraction et du minimalisme bien sur. Mais ça, c’est une esthétique que j’avais développé depuis un moment : essayer de dire un maximum de choses en un minimum de traits. J’avais trouvé que pour dessiner quelque chose que j’avais devant moi, quelque chose qui me donnait envie de le dessiner, la bonne méthode finalement, c’était d’attendre. Attendre jusqu’à ce qu’apparaisse de toute évidence ce qu’on a envie de dire. Et surtout taire le reste. Ce qui revient à dire que pour dessiner, il faut gommer. Je sais, cette théorie est discutable…


  • Non, c’est intéressant ! Je me souviens des « leçons de dessins » que donnait Joann Sfar dans le magazine Pavillon Rouge, il y disait presque le contraire!!! Pour lui, quand on dessine, il ne faut pas réfléchir avant, mais pendant, sinon on risque de simplifier (justement) et donc de codifier. Et les codes, c’est un peu le Mal pour lui, ce sont les prémisses de la sclérose. Et puis il ne faut jamais gommer (au sens propre ici), mieux vaut se planter, ça rendra le dessin plus vivant. Ce sont d'ailleurs ces propos qui lui ont valus son éviction de la rubrique, reprise par Benoit Springer, dessinateur qui à l'époque avait une approche plus Bd-réaliste-classique. Néanmoins, sur cette notion de gommage, il va plutôt dans ton sens quand tu dis qu’il faut taire ce qui n’est pas essentiel. Par exemple: c'est un non sens que de dessiner chaque cils. (Sfar, dans ses carnets édité chez L'Association, prend pour exemple les dessinateurs au style photoréaliste. Il dit que ça n’a pas de sens, surtout en BD. Car le dessin ne peut pas être un instantané, à ce jeu et à celui du réalisme la photo sera toujours meilleure. Le dessin, c’est le mouvement, le temps qui s’écoule, en gros c’est la vie. Entre le moment où on commence et fini un dessin, tout à changé ou presque, il faut donc capter l’essence de ce qui reste immuable, et jongler avec les interstices… Donc, on ne va pas tout dessiner, car dans la vie quand on est dans l’instant, il y a toujours des choses qu’on ne distingue pas. Il prend l’exemple des cils si je me souviens bien. On ne va pas dessiner chaque cil !) Qu’est-ce qui t’intéresse tant dans cette façon de voir le dessin (dire un maximum en un minimum de trait) ? N’est-ce pas une quête de paresseux ?

Oh non ce n’est pas vraiment la quête d’un paresseux. C’est plutôt de l’exigence. Je te réponds sur plusieurs points parce qu’il y a plein de questions dans ta question :

. Quand je dis gommer, c’est virtuel, je ne suis pas adepte du gommage non plus (je veux dire que je suis d’accord avec le dieu Sfar sur ce point) de toutes façons je travaille à l’encre de chine alors c’est pas bien pratique la gomme… Il s’agit de gommer dans sa tête ce qui ne compte pas. C’est-à-dire ne pas dessiner par défaut, sans y être, en faisant d’autres trucs en même temps. En fait (mais là je risquerais de faire un roman) je pense qu’il y a une hérédité entre ce qu’on fait et l’état dans lequel on est en faisant cette chose. Tant que tu t’amuses c’est super, ça sera bien à voir. C’est quand tu commences à t’ennuyer que ça se complique. Je pense que c’est là qu’il faut s’arrêter de dessiner et attendre d’avoir trouvé à nouveau comment s’amuser avec pour continuer. Ça a l’air simple comme ça mais c’est assez exigent finalement.

. Sur le côté instantané justement ça va dans le même sens. Comme tout va très vite (je parle du dessin d'après nature, avec des choses qui bougent, pas le dessin imaginaire qu’on fait avec des choses qu’on a dans notre tête - qui bougent aussi) le côté attente ça marche bien. En fait le dessin, ça réside beaucoup dans l’observation. Si tu as bien compris ce que tu voulais dire alors tu le dis clairement, que ce soit en mots ou en dessin, c’est pareil. Quand je dis attente c’est dans le sens « attendre d’avoir bien regardé ce qu’on veut dessiner pour le dessiner », l’avoir un peu compris ou alors dessiner en regardant ce qu’on veut dessiner. En fait, ça revient à regarder son dessin le moins possible, surtout quand ça va vite.


- Je trouve aussi intéressant que tu associes le minimalisme et le monde des idées dans tes propos, pourrais-tu développer ?

Postulat : Dans un dessin minimaliste, une forme n’a d’existence que si et seulement si elle est nécessaire voire suffisante.

Du coup les autres choses dégagent.

Du coup il n’y a pas de place pour la distraction ailleurs que dans l’idée qui – par ailleurs- peut-être considérée comme distrayante, dans le sens suffisant du terme. (C’est-à-dire qu’elle l’est suffisamment – distrayante-).

Et du coup, l’idée prend des airs de vérité, de théorème, d’évidence et devient indiscutable ce qui est une grande joie.

  • A ton avis, y a-t-il un lien entre art et philosophie ?

Oui, je le nommerai : un regard sur le monde


  • Pour toi quels sont les avantages et les inconvénients d’une telle approche graphique ?

Les avantages d’abord :

La concision et la précision du dessin. La simplicité. Le rythme de lecture rapide, un peu comme de la BD, sauf qu’il n’y a pas tellement de divertissement, même pas la sensibilité d’un trait de crayon, on est là pour comprendre ce qui est dessiné !

Les inconvénients :

Une froideur, un terrain hostile pour qui feuilletterait vite le bouquin et l’associerait à quelque chose de compliqué, de sérieux et de mathématique. Le manque de divertissement : on est là pour comprendre ce qui est dessiné…


  • C’est amusant, car je trouve personnellement ça plus divertissant que le dessin de Titeuf par exemple. C’est plus amusant de regarder un dessin codifié à l’extrème, de voir comment s’en sort l’auteur à ce jeu pas si évident… Mais il faut peut-être une certaine curiosité, je ne sais pas... Tu ne penses donc pas que De l’origine des mathématiques soit un livre destiné aux traditionnels lecteurs de BD ? Y a-t-il un lecteur-type ?

En fait j’ai fini par les trouver très expressifs mes bonshommes filaires. Il suffit de déplacer un peu la tête, déhancher le bassin ou relever une épaule et alors on lit une attitude dans le corps. Pas toujours besoin des expressions du visage pour ça.

Quant au lecteur lecteur type, c’est une question d’éditeur qu’on m’a souvent posée quand j’ai présenté mon projet « pour qui avez vous écris ce projet ? ». J’ai été bien incapable de répondre, en fait je l’ai écrit pour moi ce bouquin. J’ai écrit le livre sur lequel j’aurais aimé tomber. Et moi je suis quelqu’un qui a été traversé par Sfar, Trondheim, Mathieu Blanchin, Paul Valérie, les Shadocks, L’autoportrait au radateur de Bobin ainsi que les lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke et aussi De l’inconvéniant d’être né d’Emile Cioran…. Alors, c'est peut-être ça mon lecteur type: quelqu’un qui verrait des liens entre tous ces gens.


  • Ta narration visuelle est très elliptique, le texte est souvent indispensable à la bonne compréhension entre deux cases. Pourquoi ne pas avoir opter pour une narration plus « fluide » ?

Parce qu’en fait, je n’ai aucun contrôle là-dessus. Dès l’écriture, les dessins sont là. L’image et le texte sont liés, comme si les dessins venaient finir les phrases ou les ponctuer. Le texte seul est incompréhensible, les images non plus…

Fluidifier l’ensemble reviendrait à rajouter des dessins. Je ne peux pas vraiment rajouter de mot. Leur musique s’écrit au moment où ils arrivent, c’est difficile de revenir dessus. Pourquoi pas rajouter des dessins seuls ? Mais alors il faudrait faire attention au rythme.

Ce que j’aime bien avec le livre, c’est que le lecteur a la main dessus. On peut faire quelque chose de dense parce qu’il peut y revenir. Ce qu’on n’a pas avec la scène où il faut composer avec la pensée au présent.

  • J’ai remarqué que tu prenais souvent grand soin à ce que les dessins apportent le plus souvent possible leur lot de sens, afin d’avoir une complémentarité texte-image. Tu créé ainsi des interactions entre ces deux éléments du récit qui sont d’une grande richesse, et en ce sens on touche pour moi une des grandes force potentielle de la bande dessinée, mais aussi du cinéma et du théatre. Est-ce pour cette raison que tu as voulu adapter ce livre sur scène ?

Je n’ai pas vraiment adapté le bouquin sur scène. On retrouve quelques idées du bouquin mais ce qu’on voit sur scène c’est aussi la démarche qui a précédé. On découvre quelqu’un en prise avec sa pensée qui essaye de comprendre et pour cela « met les pieds dans l’espace qu’il a dans la tête ». Disons que le bouquin offre beaucoup de réponses et que ce qui se joue sur scène ce serait plutôt l’envers des questions.

Sinon pour en revenir au reste de ta question, quand on écrit ou quand on joue sur scène on est toujours face à quelqu’un. Cette personne est même le sens de l’œuvre. On a donc affaire à un espace mental. Ce que je trouve jubilatoire, c’est de jouer avec cela : l’auteur est dans sa tête et joue avec la tête de celui qui va le lire ou le regarder. Pour circuler d’un espace à l’autre les livres utilisent l’image et le texte dans le temps de la lecture, les films utilisent l’image en mouvement et le son, la scène utilise l’image, le son, le présent du temps et la réalité de la situation.

A chaque fois les paramètres avec lesquels on joue changent. A la question si tout à coup on pouvait mettre les pieds dans l’espace qu’on a dans la tête à quoi cela pourrait ressembler ?, je tente de répondre en interrogeant les formes. Cela apporte à chaque fois des bouts de réponses, ça soulève surtout de nouvelles questions, mais ça précise comme ça.


  • Qu’est-ce qui t’intéresse tant dans ce type d’interaction ?

Jouer avec l’espace mental, celui qu’on a dans la tête. Lui parler directement, sans barrage, dans sa langue. Peut-être qu’au fond, c’est pour que les idées que j’ai derrière la tête puissent se diffuser facilement, à la façon des évidences ? qui sait !


  • N’avais-tu pas peur du côté peut-être trop didactique ?


En fait je n’avais pas peur de grand chose non !

Je savais bien que la question pourquoi les mathématiques ? était bien trop grosse pour moi. L’idée d’y répondre était un tel défit que ça m’a donné de l’aplomb, alors j’y suis allée, carrément ! Bien sûr je me suis cognée, j’ai douté, mais à l’intérieur ça rigolait. Et tant que ça rigolait je me disais que je pouvais continuer. En tout cas, vu qu’on fait avec la pensée qu’on a, je me disais que je ne pouvais pas vraiment faire autrement, et que c’était peut-être même ce que j’avais de mieux à faire.


Merci Clémence !


Vous pouvez voir des extraits du spectacle et quelques travaux d'animation réalisés par Clémence ici:
http://vimeo.com/videos/search:gandillot/813a840f
et jeter un oeil à son book en ligne là:
http://www.clemencegandillot.com/

mercredi 2 juin 2010

[Yaka] Arts et lettres (7)

Mon préféré



(Cliquez sur l'image)

mercredi 19 mai 2010

[Yaka] Arts et lettres (6)


Voici la suite de l'élucubration périphérique de Yaka

(cliquez sur l'image)

mardi 13 avril 2010

[Yaka] Arts et lettres (5)

Ca faisait très longtemps que je n'avais pas posté la suite de la participation au blog de Yaka, alors qu'il en reste encore quelques strips !
Voici donc la suite:


(cliquez sur l'image)


Pour relire les précédents c'est ici, ici, ici et ici !

mardi 2 mars 2010

Prise de tête

Tony à écrit un article concernant la bande dessinée numérique sur Du9.org, directement inspiré de son propre mémoire intitulé:

BANDE DESSINEE INTERACTIVE : COMMENT RACONTER UNE HISTOIRE ?

Il est également l'auteur d'une bande dessinée numérique et interactive (même si j'ai personnellement une petite réserve sur cet intitulé "interactif", sa bande dessinée ne laissant finalement peu de place à la création et au choix de la part du lecteur). Même si parfois la "méthode" de lecture me parait quelque peu confuse, il n'en reste pas moins que je trouve cette expérience particulièrement intéressante.

http://www.prisedetete.net/index.html


A lire donc.

mercredi 17 février 2010

Critique: Veuve poignet, de Greg Shaw (La 5ème couche)

Aujourd'hui, je fais dans le recyclage, cette chronique étant paru sur le site Du9.org ...

Parfois taxée de facilité, la bande dessinée minimaliste fait pourtant souvent preuve de bien plus d’imagination et d’ingéniosité que le gros de la production. Malheureusement, les préjugés ont la vie dure et malgré quelques rarissimes exceptions, le minimalisme attise peu l’intérêt du public, des critiques, et même des auteurs. Il y a pourtant une certaine forme d’authenticité dans le radicalisme de certaines œuvres qui frôlent l’essence même du médium.

Si l’on regarde de plus près l’histoire de l’art, le mouvement minimaliste est d’abord né dans la peinture (avec Ad Reinhardt et Frank Stella), avec comme but de créer des œuvres qui ne pouvaient être vues que pour ce qu’elles étaient, et non pas pour ce qu’elles représentaient. La simplicité, la sobriété extrême généralement utilisée permet aux artistes de se débarrasser du superflu, de tout effets illusionnistes qui pourraient brouiller le propos, effaçant de ce fait n’importe quel dispositif a priori séducteur... En bande dessinée c’est pareil, et l’on en revient à se poser ces questions : Comment ne pas en faire trop ? Est-ce suffisant ? Comment ne pas tomber dans la démonstration ? Comment transmettre des émotions, ou non-émotions, avec des codes graphiques et narratifs ? Qu’est-ce que je veux dire ? Quel est mon but ?
Bien sûr le caractère techniquement simpliste du minimalisme évoque l’idée d’une excuse de mauvais dessinateur, ou du dessinateur flemmard... Dans un monde où la virtuosité est idolâtrée, on en oublie trop souvent l’ingéniosité que peut cacher une production en apparence maladroite. Le dessin n’a que peu d’importance dans le minimalisme, c’est plutôt le code qui est primordial. Le signifiant renvoie directement au signifié sans passer par d’autres considérations, qu’elles soient esthétiques ou techniques. La transparence du procédé tend vers l’évidence du propos. Le minimalisme, c’est l’évidence.

Pourtant, quand on lit par exemple L’autre fin du monde d’Ibn Al Rabin, l’intérêt du procédé n’est justement pas évident. Cet album aurait pu être raconté avec un dessin non minimaliste, cela n’aurait pas changé grand chose. Mais l’originalité, le ton et l’ambiance voulus par l’auteur et qui contribuent en grande partie à la force de ce livre, dépendent fortement du matériau minimaliste utilisé. La démarche logocentrique du minimalisme n’est donc pas forcément une nécessité, puisque celui-ci est un outil, et le génie de certains auteurs est de parvenir à utiliser cet outil dans un autre contexte, dans un autre but, que celui pour lequel il semble destiné (Je pense à Lewis Trondheim et à Ibn Al Rabin donc, mais aussi à José Parrondo, à Pome Bernos ou bien encore à l’espagnol Calpurnio qui utilisent souvent certains outils minimalistes pour atteindre un certain degré de naïveté apparente, destiné à donner un ton, une ambiance...). D’autres exploitent une démarche logocentrée dans des buts expérimentaux (Voir les albums suivants : Parcours Pictural du même Greg Shaw, TNT en Amérique de Joshen Gerner, New Wanted de Laurent Cillufo, P+O de Richard McGuire...) ; d’autres encore parviennent à faire un beau mélange des deux, comme Clémence Gandillot avec De l’origine des mathématiques, La nouvelle pornographie de Lewis Trondheim, les albums de La Petite Personne de Perrine Rouillon ou bien celui qui nous préoccupe aujourd’hui : Veuve Poignet de Greg Shaw.


Constitué seulement de petits carrés de couleur (en général 85 par page !), et d’une légende située sous le rabat de la couverture, les pages de Veuve Poignet ne ressemblent pas a priori à ce que l’on attend d’une bande dessinée. Cet hermétisme coloré cache un travail sur le signe clairement défini. En effet, chaque coloris renvoie à un terme désigné dans la légende : idée, sujet ou émotion. Le signifiant est ainsi directement lié au signifié. Le sens n’est pas perturbé par une quelconque digression visuelle ou narrative, le code utilisé est limpide, pur...

Veuve Poignet n’est donc pas une œuvre abstraite, mais bien minimaliste : ici l’abstraction est purement iconique, car certains mécanismes narratifs sont présents : rapport signifiant-signifié et idéation de la forme, séquentialité, mais aussi récit apparent avec chute parfois « gaguesque ». Seule la représentation reste abstraite, puisque purement pictographique plutôt que figurative. Ainsi, l’abstraction n’est pas un but, mais bien un outil répondant au mieux aux exigences et aux valeurs portées par le minimalisme. Ajoutons que chez les artistes fondateurs du mouvement dans les années 50, l’abstraction était également utilisée en grande partie pour éviter toute représentation figurative, trop connotée.

On peut finalement se demander si ces carrés de couleurs sont eux-même véritablement abstraits. Si l’on prend en compte leur aspect global, couleur mise à part, ils rappellent directement les cases des bandes dessinées plus traditionnelles. L’on ne peut donc nier la banalité de la chose, et l’abstraction ne réside plus que dans l’utilisation de la couleur... même si l’on peut y voir encore une abstraction toute relative, puisque chaque teinte est vecteur d’un sens bien précis.

Pourtant Greg Shaw semble se fourvoyer sur l’aspect plastique de son œuvre : l’élégance de cette juxtaposition de petits carrés colorés pourrait porter atteinte au principe de neutralité esthétique revendiqué par le minimalisme... Cela n’est pourtant pas le cas, car si l’un des principes fondamentaux du minimalisme est d’éviter tout racolage artistique, il n’interdit pas la qualité plastique tant que celle-ci ne prend pas le pas sur le propos. Les pages de Veuve Poignet sont certes belles, mais l’attention du lecteur, quel qu’il soit, sera plutôt portée sur l’interrogation, la captation du sens, et sur le jeu de substitution de l’image par l’imaginaire. Le lecteur averti, lui, observera peut-être plus la séquentialité mise en place grâce à la superposition et à l’alternance répétitive de ces différentes couleurs.


L’humour aussi pourrait paraître de trop. Souvent considéré comme un sous-genre par les hautes instances intellectuelles, on a ici la preuve qu’humour peut aller de pair avec conceptuel et abstraction. On pourrait également argumenter qu’il distrait le lecteur du message de l’œuvre... Pourtant, il fait ici partie intégrante du discours : Greg Shaw s’efforce de démontrer que l’abstraction n’est pas forcément source d’hermétisme, puisque Veuve Poignet non seulement raconte des histoires, mais en plus elles sont souvent drôles... On remarquera que la plupart du temps, le gag ne prend tout son sens que grâce au titre donné en haut de page (Prenons l’exemple de la page intitulée « Tsunami ». Nous avons : « Peau », « Gland », « Peau », « Gland », « Peau », « Gland », puis 77 cases de « sperme », que viennent clôturer deux cases de « comprend pas ».). Ce jeu avec les titres rajoute un aspect intéressant, puisque généralement ils ont une fonction illustrative, alors qu’ici ils sont partie prenante de l’œuvre. Indissociables, mieux : indispensables.

Le sujet principal, l’onanisme sous toute ses formes, peut faire ricaner à lui seul. Pourtant, Trondheim et McGuire ont eux aussi utilisé le minimalisme pour raconter des cochonneries, car il y a bien quelque chose qui dépasse la simple vulgarité dans la codification minimaliste, et ces auteurs l’ont bien compris. En prenant l’un des grands tabous de notre société, et en lui ôtant tout ce qu’il peut avoir de séducteur (Le voyeurisme dû au caractère exhibitionniste des images en est absent.), ces auteurs parviennent non seulement à parler de sexe sans tomber dans la délectation voyeuriste et masturbatoire, mais surtout ils conceptualisent parfaitement l’idée que la codification minimaliste neutralise les potentiels effets racoleurs. On pourrait rajouter sans doute que la pornographie est le sujet idéal du minimalisme, suggérant ainsi le caractère phallogocentrique du logocentrisme.

La bande dessinée, art de la simplification visuelle, art séquentiel et art de la reproduction (J’entends par là l’obligation de reproduire décors et personnages pour l’intelligibilité du récit.), nous est dévoilée dans son plus simple appareil. Veuve poignet lève le voile de cet art illusionniste, et révèle ses principaux mécanismes : utilisation de codes graphiques, superposition et itération iconique.

mercredi 3 février 2010

Art minimal, de Daniel Marzona

En ce moment je suis en train de lire ça:



C'est très intéressant, et ça m'apporte certaines réponses... On en reparlera!