lundi 28 décembre 2009

Critique: New Wanted, de Laurent Cilluffo (Ed. Matière)




Il y a des livres qui fascinent par leur façon de prendre à revers les attentes du lecteur lambda de bande dessinée. New Wanted en fait partie. Difficile de dire si il y avait cette volonté à la base de contourner les codes BD classique de la part de Laurent Cilluffo, ou si ce sont ses centres d'intérêts narratifs et plastiques qui le placent d'emblée hors des sentiers battus.
En tout les cas de ce point de vue, New Wanted va plus loin que World trade Angel, déjà pas mal décalé par rapport aux habitudes de lecture qu'on peut avoir en bande dessinée.
Ici, Cilluffo joue essentiellement avec les plans et leurs incidences sur une représentation graphique hyper simple et codifiée, mais également avec les blancs rythmiques, mais aussi graphiques: la mise en page, au même titre que le style graphique, peut être très amplement épurée.


L'aspect visuel de la couverture et des pages intérieures, avec ce quadrillage, rappèle évidemment le domaine du dessin technique. Mais en y regardant de plus près, tout y est schématique: dessins, organisation de la page (souvent géométrique), et la narration elle-même en est réduite à sa plus simple expression, se limitant la plupart du temps à une seule grande image par page voire double-page, ou à une juxtaposition de dessins quasi identiques, semblant imiter un praxinoscope plat. On peut éventuellement y ajouter un scénario purement basé sur un enchainement d'évènements, sans réelle construction ni profondeur thématique. Il est amusant de constater qu'il y a une réelle opposition d'idée entre ce qui est raconté et la façon dont Cilluffo raconte: en effet, le style du récit, une sorte de course-poursuite pleine de rebondissement et d'action, est difficilement imaginable dans un contexte narratif expérimental et minimaliste. Pourtant...



Ce qui fait tout l'intérêt de ce livre selon moi, c'est cette façon, complètement affranchie de toute règle, de narrer et mettre en page. La codification graphique minimaliste permet une telle liberté à l'auteur, qu'il semble en exploiter au maximum les possibilités. Le dessin est réduit au simple signe et joue parfois sur le double sens de l'un d'eux, la mise en page peut être épurée ou foisonnante, la narration elle-même est variable puisqu'elle peut être une seule image en pleine page ou une juxtaposition de plusieurs petites séquences, ou un mélange des deux!
Formellement très intéressant ce livre à les limites de ses qualités. C'est à dire que la liberté graphique et narrative est telle que le lecteur peut par moment être un peu perdu, passant d'un style narratif à un autre, ou égaré dans l'interprétation d'une multitude de signes. Ce côté confus nuit évidemment à la fluidité de la narration, ce qui fait de ce livre une oeuvre à l'intérêt purement intellectuel, où le plaisir de la lecture seul ne suffit pas.

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