mardi 2 septembre 2008

Interview Ibn Al Rabin


Deux taches noires sur fond blanc, et hop, voilà un bonhomme.
Ibn Al Rabin a trouvé le truc. Le truc qui le distingue des autres auteurs, une identité graphique forte. Ce graphisme, sous forme d'ombres chinoises minimalistes, est fort en personnalité, identifiable au premier regard, et surtout très simple à réaliser! Comme quoi, pas besoin de faire du dessin virtuose pour faire de la BD, "au contraire", dirait-il. Ayant suivit un cursus universitaire dans les mathématiques, Ibn Al Rabin aime jouer avec les codes et les concepts, mais se refuse à toute démonstration. Ce dessin rapide lui permet de ne pas figer ses idées, de suivre ses pensées par le crayon le plus rapidement possible, de laisser libre court à l'imagination, à l'inventivité, un peu comme une l'écriture automatique. Sa narration, son découpage et sa mise en page sortent eux aussi de l'ordinaire... Jouant avec l'espace, avec les bulles, avec les cases, il apprécie tout particulièrement les respirations, narratives et visuelles, comme dans les mangas (mais les utilises différemment, quoique sa mise en page, valorisant les blancs, peut parfois faire penser à certaines pages de Trèfle -de Clamp- dans l'idée, même s'il ne doit pas connaitre cette référence).
Pourtant, Ibn Al Rabin n'est pas un auteur conceptuel (tout comme Greg Shaw, ou même Trondheim parfois): tous ces jeux narratifs, ces reformulations du médium bande dessinée, ne sont pas pas là dans le but de mettre en avant une expérimentation, un concept, ou même la narration inhérente au médium (contrairement à Parcours Pictural de Greg Shaw par exemple). Non, loin d'Ibn Al Rabin la pensée que la bande dessinée, et ses techniques narratives, doivent être un prétexte. Tout est là pour servir l'histoire. Oui, car finalement, Ibn Al Rabin a un petit côté classique: Il raconte des histoires, voilà tout. Mais pas seulement, car c'est un auteur plein de contradictions. Au sein de Bile noire (la revue d'Atrabile son principal éditeur), il tient une rubrique où, entouré d'autres auteurs, il expérimente l'abstraction en BD. Comme quoi! En tout cas, son originalité, son dessin, son humour, sa narration, et son côté décontracté (voire décomplexé!) lui permettent d'intégrer un ton, une ambiance unique qui ont finit par l'imposer comme l'une des figures incontournable de la bande dessinée alternative de ces dernières années. En 2008, son album L'autre fin du monde (Atrabile) a été sélectionné pour le prix du meilleur album, pas étonnant, c'est une oeuvre drôle, touchante, pertinente et osée! Je vous propose de découvrir cet auteur avec l'interview suivante:

extrait de son site


SydN – Ibn Al Rabin, bonjour ! C'est toujours bien de commencer comme ça, non ?

IaR - Salut, c'est un peu moins formel. Mais bon faut dire aussi qu'on se connait.

SydN - Ahah, oui c'est vrai, qu'est-ce qu'on a pu faire comme couillonnades quand on était jeune, c'était le bon temps, enfin bref, commençons. Te considères tu comme auteur minimaliste? Et en quoi ton travail est minimaliste ou pas ?

IaR - Ben ça serait quand-même assez difficile de prétendre le contraire, mon dessin est quand-même bien minimal. Donc forcément, ça fait de moi un dessinateur minimaliste, par contre "auteur" je sais pas, quand j'ai fait le scénario de "Les miettes" (Avec F. Peeters, donc), je vois pas trop où est le minimalisme. D'ailleurs c'est une question intéressante, le minimalisme scénaristique (qu'il ne faut pas confondre avec pauvreté ou vide, hein, mais bon ça tu le sais déjà). Si on voit le minimalisme comme une économie de moyens, ceux-ci sont nettement plus évidents dans le dessin que dans le scénario. C'est quoi une économie de moyens scénaristiques ? Je crois pas qu'il y ait de réponse aussi simple que dans le cas du dessin.

SydN – Tu dessine de cette façon un peu par défaut, n'étant pas un grand dessinateur au sens académique du terme, mais pourquoi avoir choisi le principe de l'ombre chinoise ? C'est certes plus simple à dessiner, mais ça condamne toute possibilité d'expression du visage, par exemple.

IaR - Au sens académique c'est vrai que j'ai des lacunes (tout comme au rami mais ça n'a rien à voir), mais en fait je me considère pas comme si mauvais que ça, même au départ sans vouloir faire le malin j'étais assez doué, mais comme je suis d'un naturel feignasse j'ai opté pour le plus rapide. Les ombre chinoises c'est venu par hasard, j'ai dessiné un jour une scène vue de loin où du coup les personnages sont en ombres minuscules, et du coup Nicolas Robel (de B.ü.L.B comix) ayant trouvé ça super ben j'ai continué, d'abord en agrandissant de tous petits dessins (comme Trondheim à ses débuts), puis en dessinant direct à la bonne taille. Le seul emmerdemment technique c'est que je passe la moitié du temps en remplissage de silhouettes, mais bon. C'est en le faisant que je me suis rendu compte qu'il n'était pas nécessaire de voir le visage pour avoir une expressivité suffisante. Du coup ben je me suis habitué à faire comme ça et je continue, un peu de nouveau par feignasserie de trouver quelque chose d'autre mais aussi parce que ça me convient assez bien. Maintenant évidemment il me manque certains moyens, il y a une limite, je peux pas me permettre certains trucs subtils, comme par exemple une histoire courte de Raffington Event (je crois) d'Andreas qui consiste en 5 pages de gros plans d'un même personnage (plus une dernière avec une grande image).

SydN – Aurais-tu aimé être un dessinateur virtuose (genre tes comparses Peeters ou Wazem) ? Et si tu l'avais été, penses-tu que tu aurais travaillé dans une démarche proche ?

IaR - Etre un dessinateur virtuose, être surdoué pour les langues, emballer d'un simple clin d'oeil, savoir jouer du violon en 2 mois... Evidemment que n'importe quel don fait envie. Mais en voyant mes goûts artistiques en général, je me rends compte que les choses que je préfère, qui me touchent le plus, c'est justement les artistes techniquement limités mais qui tentent de trouver une approche qui fait que ça n'est pas grave. Pour prendre un exemple connu: Bérurier Noir au départ ils savent pas vraiment chanter, la boîte à rythmes est à deux balles et à la guitare c'est pas Jimi Hendrix. Mais justement moi je trouve que ça a nettement plus de pêche que Jimi Hendrix, je préfère. Ou, dans les contemporains, Jean-Luc Le Ténia, qui enregistre des chansons chez lui (il en fait plus de 1000), avec un accompagnement sommaire à la guitare ou au clavier, ben c'est génial (bon, pas tout), c'est nettement plus touchant que des gars qui savent tellement bien jouer que finalement ils sont pas comme nous, enfin je veux dire ils exposent leur virtuosité, et moi ça, sauf exception bien sûr, ça me parle pas tellement. Le Palais du facteur Cheval c'est plus touchant que le viaduc de Millau. Je veux dire de toute façon y aura toujours des gens qui jouent mieux, qui courent plus vite, qui sautent plus haut, qui dessinent toutes les briques du chateau de Versailles au rotring. En ce qui me concerne ça m'intéresse nettement moins que les semi-incapables qui tentent quand-même un truc. Donc pour en revenir à ta question, je sais pas dans quelle mesure mes goûts suivent mes "capacités techniques" ou le contraire (probablement les deux), donc va savoir, si j'avais été dessinateur virtuose, si j'aurais fait dans le minimalisme ou pas. Par contre je sais que lorsqu'on a une virtuosité quelconque c'est difficile de ne pas avoir envie de la montrer.

extrait de son site


SydN - Qu'est-ce qui t'attire dans la Bande Dessinée?

IaR - Le pouvoir et l'argent bien entendu. Et sinon pour moi c'est un moyen d'expression complètement naturel, beaucoup plus que la littérature par exemple. En plus y a une grammaire unique en bande dessinée, des moyens que n'ont pas les autres médioumes, un genre de "temporalité spaciale" assez unique, je trouve. Par contre en tant que lecteur je sais pas trop pourquoi je suis attiré comme ça par la BD, j'en ai toujours lu donc il doit bien y avoir quelque chose...

SydN - Pour toi, le minimalisme est-il un but ou un outil ?

IaR - C'est une manière de faire qui m'attire, et ce dans pas mal de domaines artistiques comme je le disais plus haut. "But ou outil", ça dépend. Des fois le but est de (se) prouver qu'on peut raconter ceci ou cela avec très peu de moyens (par exemple quand j'avais commencé à faire de la BD abstraite), parfois c'est un outil pour arriver à un effet voulu (ou pour ne pas paumer trop de temps sur une planche pour dire ce qui est).

SydN – Benoit Jahan est-il aussi sexy de Daniel Pellegrino ?

IaR - Il est surtout beaucoup moins gros que Benoît Chevallier.

SydN - Parlons maintenant de ton travail. On peut dire que dans tes oeuvres, qu'elles ont un style bien particulier... Je ne parle pas seulement de leur aspect graphique, mais de la narration, du découpage, et même de la tournure d'esprit « made in Ibn Al Rabin » ! Te trouves-tu toi même singulier dans le milieu de la Bande Dessinée ?

IaR - Euh, je sais pas, je pense pas que c'est à moi de le dire. Je pense que chaque auteur doit se trouver un peu singulier, histoire de se rassurer. Peut-être simplement que dans mes productions j'insiste un peu plus sur le côté "différent" que d'autres auteurs, je sais pas. Encore que bon, si on regarde mon dessin, il s'inscrit dans ce genre de courant minimaliste qui existe depuis bien une quinzaine d'années, peut-être en plus poussé et plus systématique, le découpage peu conventionnel je me suis inspiré chez Chester Brown (dans "I never liked you") et Nylso ("Jérôme d'Alphagraph"), etc... Si je suis singulier ben je suis pas le seul (et donc je ne suis pas singulier, CQFD).

SydN – Certes, mais tout ça rassemblé ca donne quelque chose d'assez rafraichissant! Sinon, j'ai trouvé que po ur L'autre fin du monde et Le monde change trop vite, tu as passé une sorte de cap. Quelque ch ose à changé dans ton travail, ta narration y est plus contemplative, ce qui donne une véritable ambiance, on s'attache plus aux personnages, tu fais (un peu) plus et un peu mieux les décors… Pourrais-tu en dire plus ?
IaR - Pour l'autre fin du monde j'avais envie d'un truc contemplatif, avec des décors et tout, mais j'ai déjà un peu parlé de ça dans une interviouve sur du9.org (excellent site d'ailleurs) du coup je veux pas me répéter. Le monde change trop vite, c'est au départ un fanzine que j'avais fait à la fabrique de fanzines à Toulouse. Je m'étais mis au défi de faire un fanzine de 100 pages en une journée. Alors forcément c'était assez contemplatif, y avait pas des masses de densité (narrative et picturale) par page. Ensuite je l'ai redessiné parce qu'il me plaisait bien, ce fanzine, je l'ai un peu condensé et transformé mais pas tant que ça. Je trouve que c'est mon album le plus "gentil", enfin disons le plus convenu. En fait tu as peut-être
l'impression d'un cap parce que justement je maîtrise suffisemment mon style pour pouvoir raconter une petite histoire sans trop d'effets spectaculaires (au sens ou c'est spectaculaire de mettre une seule case au milieu d'une page blanche, ou de remplir la page de petites cases comme dans Cot Cot, chez Atrabile).

SydN – L'autre fin du monde est peut être l'album monovolume de bande dessinée qui contient le plus de page au monde ! Pas très minimaliste comme démarche ! Pourquoi pas réaliser maintenant l'album avec le moins de page au monde ?

IaR - Je fais tous les jours (même plusieurs fois) des albums de zéro page mais ils sont peu lus. Et soit dit en passant il y a des tas de mangas qui pourraient fort bien être édités en un seul volume et qui du coup dépasseraient de loin la pagination de mon bouquin.

SydN – Ouais, mais j'ai bien précisé monovolume pour pas parler des mangas, justement! Mais bon, si ça peut te rassurer, moi je les lis tes albums de zéro page, ils sont pas tous bien d'ailleurs, même s'ils portent tous ta patte! Tiens d'ailleurs, pourquoi places-tu les bulles généralement hors-cases ?

IaR - Parce que ça me permet de mieux maîtriser le rythme de lecture, l'ordre dans lequel les choses vont être perçues et lues (on lit aussi une image hein). Et ça permet des effets d'ambiance parfois, comme mettre une bulle très loin au dessus de la case. Et puis ça aère.

SydN – Tu parles souvent de la mort dans tes BD, est-ce que ton style, simple, et ton humour te permet d'aborder ce sujet avec plus de légèreté ? D'ailleurs, même si tu en aborde le thème, on peut dire que la mort n'existe pas vraiment dans ton univers. La plupart du temps les personnages ne meurent pas vraiment, des zombies dans retour écrémé, une revenante dans l'autre fin du monde, et même le personnage principal de le monde change trop vite meurt un peu chaque nuit, même s'il se réveille chaque matin, a moins que ca soit le monde autour de lui qui meurt chaque nuit, mais finalement c'est un peu la même chose…

IaR - C'est vrai ce que tu dis, tiens, les morts ne sont pas vraiment morts dans mes histoires. J'y avais pas fait gaffe. Encore que ceux de L'autre fin du monde on est pas vraiment sûr qu'ils existent en fin de compte, je veux dire en tant que fantômes. La mort n'est-ce pas c'est quand-même une question un peu tarabustante, donc ça me semble naturel d'aborder le thème, même si je le fais de manière assez détournée, enfin pas du tout frontalement. Sans doute à cause du fait que je n'en ai qu'une conscience assez abstraite, les gens autour de moi ont jusque là eu le bon goût de ne pas trop mourir. Enfin je dis ça mais un bon copain est récemment décédé en Argentine, mais c'est pas l'endroit pour en parler. Je trouve la chanson de Brassens "Les 4 arts" incroyablement pertinente sur le sujet: la mort on en rigole jeune, et d'un seul coup les vrais enterrements commencent. Moi à tourner autour du sujet un peu abstraitement mais avec pas mal de mélancolie comme ça alors que je suis encore jeune (et beau) (eh ouais) je me demande comment ça va vieillir en moi ces histoires, mais bon. Par contre mon style est je pense assez peu adapté à une évocation frontale de la mort, rester dans un "ressenti abstrait" ça colle mieux. Melina Berrini (une copine) a inventé l'expression "être victime d'un stress abstrait" quand des fois on sait pas pourquoi on est énervé comme ça. Ben la mort des fois c'est un peu ça, je suppose que quand ça commence à se matérialiser c'est pas non plus le plus agréable qui soit. Mais bon je crois pas que Melina parlait de ça avec son stress abstrait. D'ailleurs Melina elle est super.

SydN – Je n'en doute pas! La dernière fois, j'ai interviewé Greg Shaw, je ne sais pas si tu connais son travail (il a publié chez Atrabile), sa démarche est très conceptuelle. Sa manière de faire va dépendre du propos qu'il veut développer. Toi, tu ne te situe pas du tout dans la même optique de travail. J'ai l'impression que tu ne conceptualise pas, par contre tu aimes chercher des choses, tester voir si ça marche… La conceptualisation est une sorte de finalité, alors que la recherche est toujours en mouvement… Dans cette logique, tu n'as pas peur que tes livres ne soient jamais véritablement aboutis ?

IaR - Oui Greg Shaw je connais. Le problème pour moi avec la démarche conceptuelle est qu'elle ne me vient souvent qu'après coup, enfin la BD abstraite c'était quand-même un concept à la base, mais bon. Je ne sais pas exactement quel propos je vais développer dans mes histoires, ça vient en faisant. Mais souvent le propos est influencé par la démarche, et réciproquement. Effectivement, en faisant comme ça, en tâtant comme tu dis, ben mes travaux ne sont jamais complètement aboutis, il y a toujours des défauts, des "erreurs de conception", tout un tas d'imperfections. Effectivement ça serait pas mal une fois de faire un livre aussi abouti que possible, mais je ne m'y lance pas pour un tas de raisons. Premièrement, ça me demanderait trop de travail. Deuxièmement, j'ai souvent de la peine à entrer dans une oeuvre qui me semble totalement maîtrisée. Bien que j'adore Chris Ware, j'ai du mal à le lire car je n'arrive pas à me mettre à l'intérieur de son boulot, il prend toute la place tellement il pense à tout. Troisièmement, je ne pense pas que mon oeuvre soit plus importante que ma personne, dans le sens où je ne crois pas que je doive "sacrifier" à la recherche d'une utopique perfection artistique les côtés de moi qui font que je suis aussi un type qui a une vie hors de la BD, qui fait des trucs avec Cecilia (ma copine) (elle est aussi super), qui parfois se met des mines avec des camarades en disant plein de conneries et qui finit par s'exprimer comme personne sur le dancefloor, ou qui lamine Jean-Marc Petta (comptable) au tennis dès que faire se peut. Ces choses-là me paraissent aussi importantes et "fondatrices de meszigues" que mes productions artistiques, donc je vais donner une certaine importance à ces dernières mais pas toute la place. Et atteindre la perfection je pense qu'il faut ne travailler que là dessus. Et puis la perfection pour quoi faire finalement ? Je veux dire à part en service-volée pour claquer Jean-Marc Petta (comptable) ? En fait même ça m'emmerde un peu quand les gens me "reconnaissent" hors du cadre de la BD, du genre quelqu'un qui me dit ah mais c'est toi Ibn al Rabin alors qu'on se connait pas (ça arrive rarement hein). Je préfère qu'on se connaisse d'abord en tant qu'être humains, si on veut. Tiens je me rends compte que j'ai dévié complètement de la question.

SydN – Penses-tu que tu pourrais ré-adapter n'importe quelle bande dessinée dans ton style ? Et inversement, penses-tu qu'une de tes BD pourrait être redessinée dans un tout autre style ?

IaR - Tout dépend de ce qu'on appelle "adaptation", mais je ne pense pas que ça soit possible, il y a des limites au minimalisme. Exemple, je me vois mal produire faire une bande dessinée érotique qui soit vraiment bandante (encore que...). Note que y a pas des masses de trucs érotiques bandants qui soient bien en général en BD, enfin c'est un secteur que je connais pas bien note. Mais tous les styles ont leurs limites, qui vont loin mais qui existent je pense. On pourrait effectivement redessiner pas mal de mes histoires dans un autre style, mais je ne suis pas sûr que ça ait un intéret notoire. Je suis même plutôt persuadé du contraire.

SydN – Tu aimes bien te donner des défis à relever. Quel pourrait être ton défi le plus fou (en bande dessinée)?

IaR - J'en sais rien. Les défis c'est une manière de continuer à s'amuser. Mais là en ce moment je suis assez calme à ce niveau, en fait je fais assez peu de BD ces derniers mois. Si on te demande ce que je fous tu diras que tu n'en sais rien, d'ailleurs, moi non plus.

SydN – Récemment, tu t'es mis à la couleur. Parles nous un peu des raisons qui t'ont poussées à le faire (ton style marche très bien en noir et blanc), et pourquoi utiliser les feutres qui, une fois scannée, donne cet aspect un peu crade et enfantin ?

IaR - Ben moi je les trouve très jolis, mes dessins au feutres, c'est juste un cauchemard à scanner alors des fois ça sort un peu moins bien quand c'est imprimé. (D'ailleurs, chez Atrabile, Daniel et Ben m'engueulent un peu sur la qualité générale de mes originaux, mais j'ai l'habitude et je fais un semblant que rien de champion. Sauf que Poussin (la stagiaire future employée, si les choses se passent bien) s'y est mise aussi aux remarques, je vais peut-être devoir intervenir.)Je crois que je n'ai pas vraiment d'autre raison que le fait de trouver ça très joli pour m'y être mis (aux feutres, donc). Ensuite, les utiliser dans des adaptations de la Bible ça a un côté décalé intéressant, surtout vu ce que les histoires racontent. D'habitude les dessins "enfantins" illustrant la Bible ils racontent plutôt d'autres genre de choses.

SydN – Toi qui a un cursus dans l'univers des mathématiques, n'as-tu jamais pensé à impliquer les math dans tes œuvres ? Les mathématiques sont pourtant aussi mystérieux que fascinants…

IaR - Oui et je continue un peu à en faire, mais je vois pas trop comment les impliquer dans une histoire sans que ce soit artificiel ou juste de l'esbrouffe. C'est facile d'épater les gens qui n'ont pas l'habitude avec deux-trois trucs mathématiques qui en jettent, encore faut-il que ça serve à quelque chose. Et puis je préfère faire semblant que rien.

SydN – Oui, mais ça pourrait aussi donner envie à des gens qui ont des aprioris de se pencher sur cet univers qui a quelque par quelque chose de magique... En tout cas, ça serait très différent de ce que tu fais habituellement... D'ailleurs, aimerais-tu un jour faire une Bd complètement différente de ce que tu as fait jusqu'à présent ?

IaR - Ben j'essaie un peu chaque fois mais c'est pas forcément évident, on est piégés par l'habitude et le confort d'un style.

SydN - Quelle question aurais-tu aimé que je te pose?

IaR - Mon opinion sur l'affaire Dreyfus. Elle est neutre.

SydN - La mienne aussi, et quelle question (que je ne t'ai pas posé) aurais-tu aimé que je ne te pose pas?

IaR - Tout un tas, tu penses.

SydN - Merci beaucoup Ibn Al Rabin d'avoir accepté de répondre à mes questions. J'espère que cette interview donnera envie à ceux qui ne te connaissent pas de découvrir ton travail, d'ailleurs par quel album conseillerais-tu de commencer?

IaR - J'ai des bouquins plus faciles d'accès que d'autres, par exemple Cot Cot, qui en plus est pas cher (car tout petit). Mais sinon je pense qu'on peut commencer n'importe où, je suis assez lisible quand-même, je pense, malgré l'impression un peu austère qu'on peut avoir quand on regarde mes petits dessins.


Son site: http://www.atrabile.org/ibn-al-rabin/main.html


3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'avais déjà lu l'interview de Du9, c'est toujours marrant à lire, il se prend pas la tête, j'aime bien. J'ai lu que retour écrémé et cot cot de lui, j'ai bien aimé, mais faut que j'arrive a trouver les autres maintenant...

Anonyme a dit…

c'est bien d'avoir une identité, un style fort. mais ca ne sclérose pas la créativité?

SydN a dit…

Alice> je ne sais pas, peut être. Ca doit dépendre des cas. Selon, ca peut aussi agir comme une contrainte et stimulé la créativité autrement.
Langrais> Je te conseille le monde change trop vite, peut être le plus "sage" comme il le dit lui même, mais ca reste un petit bijoux.